Qu’est ce que la dénonciation?
Dénoncer un accord, c’est exprimer unilatéralement la volonté de ne plus l’appliquer.
Est ce la même chose que l’opposition?
Non, l’opposition est exercée par des non-signataires d’un accord alors que la dénonciation provient obligatoirement d’un signataire. L’opposition empêche l’accord qui vient d’être signé de s’appliquer alors que la dénonciation met fin à un accord qui s’est déjà appliqué pendant un certain temps.
En cas de transfert d’entreprise (article L. 122-12 du Code du travail), y-a-t-il dénonciation des accords collectifs?
Techniquement, ce n’est pas une dénonciation, mais une " mise en cause". Elle produit les mêmes effets que la dénonciation (préavis et survie des accords pendant un an), mais elle intervient de manière automatique. L’employeur d’origine et le nouvel employeur n’ont pas l’obligation de notifier la dénonciation de l’accord aux signataires, car les accords sont considérés comme dénoncés du fait du transfert d’entreprise.
Est-elle possible pour tous les accords?
Non, la dénonciation n’est possible que pour les accords à durée indéterminée, et non pour ceux à durée déterminée.
Qui peut être à l’origine d’une dénonciation?
Toute partie signataire de l’accord. En revanche, l’accord cessera de s’appliquer seulement si l’ensemble des organisations syndicales ou l’ensemble des signataires patronaux dénoncent l’accord. Dans le cadre de l’entreprise, si l’employeur décide de dénoncer l’accord, cette dénonciation est efficace. En revanche, si une organisation syndicale signataire dénonce cet accord alors qu’il y a plusieurs signataires, cette dénonciation isolée n’aura pas d’effet sur l’application de l’accord aux salariés.
Quelles règles respecter?
Les modalités de dénonciation sont normalement définies dans l’accord collectif lui-même. A défaut, ce sont les modalités légales qui s’appliquent : art. L. 132- 8 du Code du travail. La partie désirant dénoncer un accord doit faire une lettre en ce sens et l’envoyer à tous les signataires. Cette dénonciation doit également
être déposée à la Direction Départementale du Travail et auprès du greffe du Conseil de Prud’hommes (art. L. 132-10 du Code du travail).
Que se passe-t-il si ces règles de forme ne sont pas respectées?
Dans ce cas, la dénonciation ne produit aucun effet : l’accord continue de s’appliquer.
Quels sont les effets d’une dénonciation?
A partir du dépôt de la dénonciation auprès de la DRT et du greffe du Conseil de prud’hommes, un préavis commence à courir. En principe, la durée de ce préavis est fixée par l’accord lui-même (art. L. 132-8 du Code du travail). A défaut de précision dans l’accord, c’est un préavis de 3 mois qui s’applique. La dénonciation ne prend effet qu’après expiration du préavis.
Et après le préavis?
L’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord de substitution. Si aucun accord de substitution n’est conclu, l’accord continue de s’appliquer pendant 1 an après le préavis, sauf s’il existe une disposition conventionnelle prévoyant une durée de survie supérieure.
Qu’est ce qu’un accord de substitution?
C’est un accord qui doit avoir le même objet que celui qui vient d’être dénoncé, même s’il ne contient pas les mêmes garanties. Il doit couvrir les domaines quiétaient abordés dans l’accord dénoncé. Lorsqu’il y a eu dénonciation de la part de l’employeur ou de toutes les organisations syndicales signataires, les parties ont l’obligation de négocier sur ces domaines. Cette négociation doit s’engager dans les 3 mois suivant la dénonciation.
Quand est-ce que l’accord de substitution entre en vigueur?
Cet accord ne peut entrer en vigueur qu’après expiration du délai de préavis.
Quelles dispositions s’appliquent pendant la phase de négociation?
En cours de négociations, les dispositions de l’accord dénoncé continuent à s’appliquer, et ce, jusqu’à entrée en vigueur de l’accord de substitution.
Un accord peut-il être dénoncé partiellement?
En principe, non. La Cour de cassation estime que les accords forment entre les parties signataires un ensemble contractuel réciproque dont certaines dispositions ne peuvent être écartées partiellement que d’un commun accord entre les parties ou alors selon des modalités prévues dans l’accord lui-même
(Cass.soc.16/10/1974, n°73-11.562).cord peut-il être dénoncé partiellement?
Que se passe-t-il en cas d’échec des négociations?
Si aucun accord de substitution n’a été conclu dans le délai de survie, les salariés conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis en application de l’accord collectif dénoncé (art. L. 132-8 al. 6 du Code du travail). Mais attention, les avantages individuels acquis sont restrictifs : ce sont ceux qui, au jour de la dénonciation de l’accord, procuraient déjà au salarié une rémunération ou un droit à titre personnel. Cela doit être un droit déjà ouvert et non pas éventuel.
A-t-on des exemples d’avantages individuels acquis?
Pour essayer de comprendre cette notion, on peut citer quelques exemples:
• Rémunération : les salariés ont droit au maintien du niveau de leur rémunération au moment de la fin de l’accord, mais ils ne peuvent pas exiger la réévaluation de celle-ci en application d’un système de variation qui était fixé par l’accord collectif dénoncé.
• 13ème mois : les salariés gardent le bénéfice du 13ème mois au montant atteint à la fin de survie de l’accord, mais ce montant n’évoluera plus ensuite si l’accord de substitution ne le prévoit pas.
• L’indemnité de licenciement fixée par accord collectif n’est pas considérée comme un avantage acquis car le droit ne naît qu’au moment de la rupture du contrat.
Article L2261-9
La convention et l'accord à durée indéterminée peuvent être dénoncés par les parties signataires.
En l'absence de stipulation expresse, la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation est de trois mois.
La dénonciation est notifiée par son auteur aux autres signataires de la convention ou de l'accord.
Elle est déposée dans des conditions prévues par voie réglementaire.
Article L2261-10
Lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés, la convention ou l'accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.
Une nouvelle négociation s'engage, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent la date de la dénonciation.
Il en est de même, à la demande d'une des organisations syndicales représentatives de salariés intéressées, en cas de dénonciation de la convention ou de l'accord dans les conditions prévues à l'article L. 2261-12, s'agissant du secteur concerné par la dénonciation.
Lorsqu'une des organisations syndicales de salariés signataires de la convention ou de l'accord perd la qualité d'organisation représentative dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, la dénonciation de ce texte n'emporte d'effets que si elle émane d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans son champ d'application ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans les conditions prévues au chapitre II du titre III.
Article L2261-11
Dans ce cas, les dispositions de la convention ou de l'accord continuent de produire effet à l'égard des auteurs de la dénonciation jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.
Article L2261-12
Article L2261-13
Lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ce délai.
Lorsqu'une stipulation prévoit que la convention ou l'accord dénoncé continue à produire ses effets pendant un délai supérieur à un an, les dispositions du premier alinéa s'appliquent à compter de l'expiration de ce délai.
Article L2261-14
Lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu à l'article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.
Lorsque la convention ou l'accord mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ces délais.
Une nouvelle négociation doit s'engager dans l'entreprise concernée, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles stipulations.
Article L2231-1
- - d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord ;
- - d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou toute autre association d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.
Les associations d'employeurs constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, qui ont compétence pour négocier des conventions et accords, sont assimilées aux organisations syndicales pour les attributions conférées à celles-ci par le présent titre.
Les représentants des organisations mentionnées à l'article L. 2231-1 sont habilités à contracter, au nom de l'organisation qu'ils représentent, en vertu :
- 1° Soit d'une stipulation statutaire de cette organisation ;
- 2° Soit d'une délibération spéciale de cette organisation ;
- 3° Soit de mandats spéciaux écrits qui leur sont donnés individuellement par tous les adhérents de cette organisation.
Les associations d'employeurs déterminent elles-mêmes leur mode de délibération.
Article D2231-2
Le dépôt est opéré en deux exemplaires, dont une version sur support papier signée des parties et une version sur support électronique.
La partie la plus diligente remet également un exemplaire de chaque convention ou accord au greffe du conseil de prud'hommes du lieu de conclusion.
1° Dans tous les cas, d'une copie du courrier, du courrier électronique ou du récépissé ou d'un avis de réception daté de notification du texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature ;
2° Dans le cas des conventions et accords d'entreprise ou d'établissement :
a) D'une copie du procès-verbal des résultats du premier tour des dernières élections professionnelles ;
b) D'une copie, le cas échéant, du procès-verbal de carence aux élections professionnelles ;
c) D'un bordereau de dépôt.
Ces pièces peuvent être transmises par voie électronique. Un récépissé est délivré au déposant.
Un récépissé est délivré au déposant.
Article R2231-9
Elle peut en obtenir copie, à ses frais, suivant les modalités fixées à l'article 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.
Toutefois, lorsqu'une instance juridictionnelle est engagée, copie de tout ou partie de la convention ou de l'accord en cause est délivrée gratuitement à chacune des parties à l'instance qui le demande.
L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration :
- a) Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ;
- b) Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ;
- c) Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.
Cass. Soc. 24 janvier 1996, n°93-40.745
Cass. Soc. 13 mars 2001, n°99-45.651
Commentaire d’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 13 mars 2001
Cass. Soc. 24 novembre 1992, n°89-20.247
Cass. Soc. 23 mai 2006, n°04-42.779
Cass. Soc. 24 octobre 2000, n°98-42.273
Cass. Soc. 15 mai 2001, n°99-41.669
Cass. Soc. 11 janvier 2005, n°02-45.608
Commentaire d’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 13 mars 2001
I. - La possibilité du maintien légal de certaines dispositions d'une convention collective dénoncée : la protection des salariés contre la rupture du statut conventionnel
- Les conditions tenant à la dénonciation
- Le contenu et le devenir des dispositions maintenues
II. - Les conditions de détermination des avantages individuels acquis maintenus : le strict encadrement légal et jurisprudentiel
. Un avantage individuel
- Un avantage acquis
Résumé :
Les conventions et accords collectifs prévoient très souvent un régime juridique beaucoup plus favorable aux salariés que le régime légal. Mais les droits des salariés ne sont jamais définitivement acquis. Lorsqu'il n'est pas remplacé par une autre convention ou un autre accord collectif, la disparition du statut collectif négocié peu parfois être difficile, dans la mesure où les salariés sont alors régis par le seul code du travail, qui leur est généralement moins favorable que la convention ou l'accord dont ils bénéficiaient antérieurement.
C'est pour éviter une telle rupture conventionnelle et protéger la stabilité du statut conventionnel des salariés que le législateur, par la loi Auroux du 13 novembre 1982, a introduit dans le code du travail, à l'article L 132-8, alinéa 6, la possibilité de maintenir les avantages individuels acquis en cas de dénonciation d'une convention collective, ou, en vertu de l'alinéa 7, de sa mise en cause. Mais il n'a pas posé là un principe général de maintien des avantages antérieurs. Au contraire, ce droit au maintien de certaines dispositions d'une convention collective disparue est soumis à un certain nombre de conditions, posées par le législateur, interprétées par la doctrine et appliquées par la jurisprudence.
C'est ainsi qu'un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation, du 13 mars 2001, a tranché un litige relatif aux conditions de détermination d'un avantage individuel acquis.
La convention collective nationale des employés des personnels des organismes de travailleuses familiales, a été dénoncée le 19 juin 1995 par les organisations des employeurs. Or cette convention contenait une disposition qui accordait une rémunération supplémentaire égale à une demi-heure de travail à la salariée qui, au cours d'une même journée, était amenée à changer de famille (article16 de ladite convention).
Aucun accord de substitution n'étant intervenu, les dispositions dénoncées de la convention collective cessaient alors de produire leur effet le 19 septembre 1996, soit un an après la dénonciation.
Toutefois Madame André et 33 autres salariés, employées par l'Association Domicile Action, faisaient valoir que les avantages prévus par cet article 16 de la convention constituaient des avantages individuels acquis. Elles saisissent alors la juridiction prud'homale d'une demande tendant à obtenir le maintien de ces avantages et au paiement du rappel de salaire correspondant.
Le Conseil des Prud'hommes de Brest par jugement rendu le 25 février 1998 accueille leur demande et condamne l'Association Domicile Action à payer les diverses sommes à titre de rémunération correspondant aux avantages qui leur avaient été supprimés depuis le 19 septembre 1996 jusqu'au 31 janvier 1998.
L'Association Domicile Action interjette appel du jugement devant la cour d'appel de Rennes. Celle-ci le 21 septembre 1999, confirme le jugement de la première juridiction.
L'association forme alors un pourvoi en cassation.
Cette dernière soutient l'idée selon laquelle les dispositions auraient en réalité un caractère collectif, et de ce fait ne pourrait constituer un avantage individuel acquis. De plus, l'Association affirme que ces prétendus avantages n'auraient qu'un caractère purement éventuel et ne serait pas un droit ouvert compte tenu des différents éléments incertains qui pouvaient survenir selon les besoins des différentes familles (élément que l'employeur ne peut maîtriser). Enfin celle-ci atteste également que les dispositions intégrées au contrat de travail ne peuvent l'être puisqu'il s'agit, selon l'Association, de périodes non travaillées et qui, par conséquent, ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif.
Ainsi, le problème qui était soulevé en l'espèce, était de savoir sous quelles conditions une disposition d'une convention ou d'un accord collectif dénoncé peut-elle être maintenue en tant qu'avantage individuel acquis ?
La chambre sociale de la cour de cassation le 13 mars 2001, rejette le pourvoi de l'Association Domicile Action.
La cour de cassation rappelle le principe selon lequel « un avantage individuel acquis au sens de l'article L 132-8 du Code du travail est celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ».
Elle affirme que la cour d'appel de Rennes a exactement décidé qu'il s'agissait d'un avantage salarial qui « profitait individuellement à chacune des salariées demanderesses à l'action » et qui « s'était incorporé à leur contrat de travail au jour où les dispositions de la Convention collective avaient cessé de produire effet et devait être maintenu pour l'avenir ».
En instaurant à l'article L 132-8, alinéa 6, du code du travail, la possibilité du maintien légal de certaines dispositions d'une convention collective dénoncée (I), le législateur a entendu protéger les salariés contre la rupture du statut conventionnel. Mais ce maintien est strictement encadré par la loi et par la jurisprudence, qui posent les conditions de détermination des avantages individuels acquis maintenus (II).